Elections américaines : and the loser is…
Décidément, les élections américaines se suivent et se ressemblent : après un scrutin présidentiel âprement, pour ne pas dire farouchement disputé en 2020, les élections parlementaires de mi-mandat (midterms) sont aujourd’hui dominées par l’indécision d’une part, mais vraisemblablement surtout l’ambiguïté d’autre part.
Par Stéphane Barbier de la Serre, éditorialiste Denjean & Associés
Un scrutin une nouvelle fois indécis
En effet, une nouvelle fois, alors que les bureaux de vote sont fermés depuis bien longtemps, l’issue du scrutin demeure incertaine. Ceci s’explique en partie par un système de dépouillement particulièrement compliqué outre-Atlantique (notamment du fait de l’importance du vote par correspondance et du temps requis par la validation de certaines procédures de décompte des voix). Mais la vraie explication réside sans doute dans le caractère une nouvelle fois très serré de nombre de scrutins locaux. Les dernières projections de NBC tablent certes sur une majorité républicaine à la Chambre des représentants mais celle-ci est trop légère (222 contre 213) pour que l’on puisse trancher à ce stade avec certitude. Quant au Sénat, le fait qu’il faudra recourir à un second tour en Géorgie, aucun candidat n’ayant franchi la barre des 50 % des suffrages (du fait des 2.1% recueillis par le candidat « libertaire »), fait que l’on ne saura vraisemblablement pas avant le 6 décembre quel parti y disposera in fine de la majorité. Un vrai casse-tête politique…
Des résultats ambigus
En première analyse, le résultat le plus intéressant de ces élections est que la « vague rouge » attendue n’a tout simplement pas eu lieu. En d’autres termes, même si les républicains devraient in fine prendre le contrôle de la Chambre des représentants, on est somme toute loin du triomphe annoncé. Les démocrates limitent donc la casse dans un contexte économique pourtant peu porteur pour eux. Pour autant, ils ne sauraient pavoiser, leur marge de manœuvre politique se restreignant objectivement, tout particulièrement dans le champ budgétaire. Reste bien sûr la question, encore plus stratégique, du Sénat mais, là encore, il faudra très vraisemblablement s’armer de patience et, en tout état de cause, il sera désormais difficile à Joe Biden de faire avancer de manière décisive son programme réformiste, notamment en matière sociale.
Pas de vrais gagnants ?
Au fond et peut-être surtout, qui sont les vrais gagnants de ces élections ? Si l’on considère un aspect particulièrement stratégique de la politique extérieure américaine, l’Ukraine peut légitiment craindre désormais un soutien militaire et logistique moins appuyé de la part de Washington et ceci même si la Russie est probablement elle-même déçue par l’étroitesse de la victoire républicaine. L’économie américaine est quant à elle susceptible de pâtir d’une forme de paralysie budgétaire plus ou moins programmée désormais jusqu’en 2024 ; jusqu’au prochain scrutin présidentiel, concrètement… Et là est peut-être le point le plus important car si les midterms constituent bien sûr traditionnellement une forme de référendum pour le parti au pouvoir, Donald Trump était quant à lui également particulièrement monté au créneau personnellement ces dernières semaines et il se trouve que les candidats qu’ils avaient activement soutenus ont souvent déçu dans les urnes. Qui plus est, son probable principal challenger en 2024, le gouverneur de Floride Ron de Santis a été réélu triomphalement, lui ; mise sur orbite de la campagne Trump décevante pour son camp donc…
Au final, le grand paradoxe du paysage politique américain n’est-il pas que l’accentuation de la polarisation semble se traduire de plus en plus par une forme de neutralisation et ce à tous les sens du terme ? Il est vrai que cette problématique n’est pas, loin s’en faut, l’apanage exclusif des Etats-Unis. Au moins Joe Biden pourra-t-il échanger utilement sur ce sujet avec tel ou tel de ses homologues au sein du G7…