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26.04.24

Baux commerciaux Loyers Covid : pas de répit pour la perte partielle de la chose louée !

Deux décisions récentes du Tribunal judiciaire de Paris viennent ébranler les espoirs que fondaient les preneurs tentant d’être définitivement exonérés de leurs « loyers Covid », sur la perte partielle de la chose louée.

Dès le début de la crise sanitaire, les défenseurs des locataires commerciaux ont fait feu de tout bois pour tenter de faire écarter les demandes formées en référé par les bailleurs, en paiement des loyers portant sur les périodes de fermeture administrative.

Après une phase de tâtonnement judiciaire, durant laquelle il est apparu que certains arguments ne fonctionneraient pas, d’autres, en revanche, ont commencé à constituer une menace réelle sur les intérêts des bailleurs.

Ainsi, s’il est maintenant acquis que la force majeure et le manquement à l’obligation de délivrance du bailleur seront écartés dans la quasi-totalité des hypothèses – sauf, pour la première, à démontrer une impossibilité totale du preneur de régler ses loyers, ou pour le second, à démontrer une faute spécifique du bailleur dans la mise à disposition des locaux, ce qui sera très rarement le cas -, la perte partielle de la chose louée continuait à présenter toutes ses chances.

Deux décisions de Cour d’appel ont encore, très récemment, confirmé que le fait pour un preneur d’avoir été placé dans l’impossibilité de jouir temporairement des lieux loués par l’effet d’une décision administrative, constitue une contestation sérieuse à la demande de provision du bailleur puisque, notamment, elle nécessite que le juge interprète l’article 1722 du Code civil au regard des circonstances, ce qui excède l’office du juge des référés (Cour d’appel de Nancy, 10 novembre 2021, n°21/01022 ; Cour d’appel de Paris, 10 novembre 2021, n°21/06596).

Cette affection caractérisée des Cours d’appel pour l’article 1722 du Code civil a pu laisser craindre aux bailleurs que lorsque cet argument serait soulevé dans le contexte d’instances au fond, et non plus seulement en référé, il recevrait un accueil tout aussi favorable. Dans une telle hypothèse, les conséquences pour les bailleurs seraient graves dans la mesure où les preneurs seraient alors autorisés à être définitivement exonérés du paiement de ces loyers, en tout ou en partie. C’est sur cette ligne que s’était placé le Tribunal judiciaire de Toulouse, pour la première fois, au fond (1er juillet 2021, n° RG 21/02415).

Faute pour la Cour de cassation d’avoir pu donner son avis sur cette question, le Tribunal judiciaire de Paris a « remis l’église au milieu du village » par deux décisions au fond des 26 et 28 octobre 2021 (RG n°20/06292 ; RG n°16/13087).

Il a ainsi nettement rejeté la demande d’exonération de paiement du preneur sur le fondement de l’article 1722 du Code civil au motif que « l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail (…) résulte de la nature de l’activité économique exercée dans les lieux loués et non de la chose louée elle-même, qui n’est détruite ni en totalité, ni partiellement. »

De manière concrète, le Tribunal a considéré que c’est non pas à raison de causes inhérentes aux locaux eux-mêmes, mais parce que le preneur a choisi d’exercer dans les lieux telle ou telle activité commerciale qu’il a été placé dans l’impossibilité de l’exploiter pendant les périodes de fermeture administrative de sorte que l’argument de la destruction – totale ou partielle – de la chose louée ne peut être retenu.

A n’en pas douter, ces deux décisions de première instance – comme celle, en sens contraire, du Tribunal judiciaire de Toulouse -, donneront lieu à des arrêts d’appel dans quelques temps, mais en attendant, les bailleurs commerciaux peuvent souffler un peu.

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