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29.03.24 Tax & Legal Advisory

Sociétés de gestion de fonds d’investissement & TVA

En collaboration avec Juliette Legrand, fiscaliste chez Denjean & Associés

La prestation «unique» sous-traitée à un tiers au bénéfice d’une société de gestion de FCP et d’autres fonds doit être intégralement soumise à la TVA

CJUE 2 Juillet 2020, BlackRock Investment Management UK Ltd, C-231/19)

Rappel du contexte de l’affaire

La société britannique BlackRock est une société de gestion de FCP et d’autres fonds non réglementés, ces derniers représentant la majorité de son portefeuille sous gestion.

Pour gérer l’ensemble de ces fonds, BlackRock a recours à différents services fournis par une société du groupe établie à l’étranger par le biais d’une plate-forme informatique (analyses de marché, contrôles de performances et de risques pour assister les gestionnaires de portefeuille dans la prise de décisions d’investissement, surveillance du respect de la réglementation pour permettre de mettre en œuvre les décisions portant sur les opérations).

Considérant que ces prestations de services utilisées pour partie pour la gestion des FCP étaient exonérées de TVA, BlackRock n’a autoliquidé la TVA qu’à proportion des services utilisés pour la gestion des autres fonds.

A l’issue d’un contentieux avec l’Administration fiscale étrangère, la CJUE a été saisie du litige et a jugé que cette prestation unique rendue au profit d’une société de gestion qui comprend à la fois des FCP et d’autres fonds relève intégralement de la TVA.

Les apports de la décision rendue par la CJUE

La CJUE considère d’abord que les services fournis s’analysent comme une prestation unique composée de différents éléments d’importance équivalente (et non comme une prestation unique constituée d’une prestation principale et d’une ou plusieurs prestations accessoires).

Sur la base d’une interprétation littérale de la directive TVA, la Cour considère que l’exonération de TVA prévue pour la gestion de FCP (1) ne permet pas de dissocier le traitement fiscal en fonction de l’usage qui est fait de la prestation. La prestation unique relève donc d’un traitement TVA unique.

Elle élimine ainsi l’idée d’appliquer un traitement fiscal unique qui serait déterminé en fonction de la nature des fonds majoritairement gérés (possibilité envisagée par la juridiction de renvoi). La Cour rappelle en effet que le traitement TVA dépend de la nature des prestations de services fournies (conformément à sa jurisprudence « Abbey National » (2), et non de la qualité du prestataire ou du destinataire.

Pour savoir si les services en cause peuvent bénéficier de l’exonération de TVA, la Cour rappelle qu’il convient d’analyser si les prestations forment un ensemble distinct, apprécié de façon globale, destiné à satisfaire des fonctions spécifiques et essentielles de la gestion de FCP.

Constatant que le service en cause a été conçu aux fins de la gestion d’investissements dans sa globalité, et non spécifiquement pour la gestion FCP, la CJUE en conclut que les conditions de l’exonération ne sont pas remplies (la TVA devait donc au cas présent être autoliquidée sur l’intégralité du service fourni).

Rappelons que la législation française transposant la mesure d’exonération de la gestion de fonds a récemment fait l’objet d’une évolution majeure. La Loi de finances pour 2020 a en effet étendu le périmètre de l’exonération de TVA à la gestion de certains fonds immobiliers, notamment OPCI, SCPI et Autres FIA (article 261 C, 1 f) du CGI). Alors que la nouvelle exonération soulève la question de l’opportunité d’une option à la TVA chez les sociétés de gestion de fonds immobiliers, cette décision nous rappelle l’importance de réaliser en amont un audit TVA des flux de services et de facturation pour sécuriser le régime TVA applicable.

 

(1)      Exonération de TVA prévue par l’article 135, paragraphe 1, g de la directive 2006/112/CE

(2)      CJUE 4 mai 2006, Abbey National, C‑169/04

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