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GAFA
24.04.24 Expertise comptable et accompagnement

GAFA, pour qui sonne le glas ?

Davantage qu’une froide métaphore des places boursières américaines, les GAFA en sont aujourd’hui l’ultime hyperbole. Mais précisément, à l’heure où les actifs à risque en général et les actions internationales en particulier voient le paradigme haussier qui les régit depuis quatre décennies sévèrement remis en cause par l’hydre inflationniste, le glas ne commence-t-il pas à sonner, à tout le moins d’un point de vue boursier, pour ces géants du numérique ?

Par Stéphane Barbier de la Serre, éditorialiste Denjean & Associés

Les GAFA, un vaste écosystème

Les marchés financiers ont toujours été friands d’acronymes : les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) depuis 2001 ou encore les PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) depuis 2008 ont ainsi laissé une empreinte particulièrement profonde dans la mémoire collective des investisseurs. Mais nul acronyme financier n’a sans doute connu une plus grande fortune que celui de GAFA, qui regroupe les figures les plus emblématiques – et plus prosaïquement les plus cotées en bourse… – de l’économie numérique américaine ; des géants qui ont pour nom Google, Apple, Facebook, Amazon, auxquels on rajoute souvent Microsoft, GAFA devenant alors GAFAM.

Précisons d’emblée que la typologie américaine est un peu différente, puisque, pour la beauté de l’acronyme, elle inclut Netflix pour pouvoir construire FANG (Facebook, Amazon, Netflix, Google) puis, à partir de 2017, FAANG afin d’incorporer Apple. Incidemment, on retrouve aussi Netflix dans les NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber). En des termes plus fleuris, le numérique américain ce n’est donc pas un étendard unique mais toute une collection d’oriflammes.

Un univers qui a perdu de sa superbe

Quoi qu’il en soit, le fait que FANG signifie croc en anglais ne relève peut-être pas du hasard tant les grands carnivores du numérique ont dominé sans partage l’écosystème financier depuis des lustres. Cette domination a même, après des années d’appréciation galopante, atteint l’hypertrophie : ainsi, 4 des 5 GAFAM ont une capitalisation boursière dépassant les 1 000 milliards de dollars. La plus importante, Apple, avoisinant même les 2 500 milliards, soit l’équivalent du PIB de la France.

Mais surtout, ces 5 titres représentent à eux seuls plus de 15 % de la valeur totale des entreprises américaines cotées ! Mais là est peut-être précisément leur vrai talon d’Achille. L’effet de masse, ou, en d’autres termes, le poids dans les indices étant bien sûr une arme à double tranchant. Les « megacaps » sont a priori plus vulnérables dans des marchés durablement mal orientés et ce particulièrement dans un contexte de tensions inflationnistes, qui pénalise mécaniquement davantage les titres disposant de multiples de valorisation supérieurs à la moyenne, ce qui est le cas de la grande majorité des titans du numérique. On notera d’ailleurs à ce titre que le cours de bourse Facebook a reculé de 65 % depuis ses plus hauts de l’année dernière. Atmosphère…

Un recul qui demeure très relatif

Pour autant, même si les GAFA ont indubitablement perdu un peu de leur superbe financière, ce recul doit être relativisé. D’une part, les performances financières des GAFA demeurent hors norme sur le long terme. Ainsi, même après sa récente chute vertigineuse, le titre Facebook progresse encore de 425 % depuis 10 ans…

D’autre part et surtout, ces entreprises continuent de camper, bon an mal an, sur des positions concurrentielles virtuellement inexpugnables. Ainsi, Google ne concentre-t-il pas aujourd’hui 90 % des recherches internet au niveau planétaire ? Simple exemple parmi tant d’autre de modèles – économiques cette fois – littéralement hégémoniques.

Alors, bien sûr, on peut, en évoquant un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, invoquer le spectre de Nokia, qui bénéficiait d’une telle position au début du millénaire. Du fait de cette hégémonie, le constructeur finlandais était alors la plus importante société européenne, sa capitalisation boursière culminant alors 350 milliards d’euros. Mais, deux décennies plus tard, celle-ci n’est plus que de 25 milliards ; pas encore la bohème, quoique… Mais là est en fait le point crucial : la capacité d’adaptation à la loi d’airain de l’évolution.

Et, de ce point de vue, pour les GAFA, on est objectivement très loin de la fin du monde ! En témoigne d’ailleurs admirablement une « évolution » qui n’a d’anecdotique que l’apparence : l’air de rien mais irrésistiblement, les GAFAM sont en train de se métamorphoser (c’est le terme qui convient, particulièrement pour Facebook…) en MAMAA’s (Microsoft, Amazon, Meta – ex Facebook), Apple et Alphabet (maison mère (sic) de Google).

Plus qu’un glissement sémantique teinté de non-dit freudien (fini le temps des PAPAA’s ?), un véritable manifeste, mais darwinien. En l’espèce…

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